Le Scalp et le calumet : 500 ans de regards sur les Amérindiens à la Rochelle

Depuis le début de l’été, le musée du Nouveau Monde et le musée des Beaux-Arts de la Rochelle proposent une riche exposition dédiée aux représentations occidentales de l’Indien d’Amérique, du 16e siècle à aujourd’hui. Il reste encore un mois pour y faire un tour ! 


Intitulée « Le Scalp et le calumet. Imaginer et représenter l’Indien du XVIe siècle à nos jours », l’exposition est distribuée dans les deux musées du centre-ville. Le parcours se déroule de façon chronologique et débute au musée du Nouveau Monde, au dernier étage de l’Hôtel Fleuriau, avec des œuvres datées des 16e, 17e et 18e siècles. Les trois siècles suivants sont abordés dans la deuxième partie de l’exposition, au rez-de-chaussée du musée des Beaux-Arts.


Détail d'une publicité des Fourneaux Briffault.


La présentation est divisée en quatre sections, détaillées ainsi :

Le peuple inconnu (XVIe siècle - Musée du Nouveau Monde)
Images du sauvage au XVIe siècle
Se déguiser en Indien

L’Indien, miroir social et philosophique (du XVIIe au XVIIIe siècle - Musée du Nouveau Monde)
L’Indien aux XVIIe et XVIIIe siècles

L’Indien sauvage (XIXe siècle - Musée des Beaux-Arts)
Atala, un roman passion
Les visites indiennes à Paris
Le devenir « Peau-Rouge »
Le Wild West Show : un nouvel imaginaire de l’Ouest

L’Indien figure de divertissement (XXe siècle - Musée des Beaux-Arts)
La figure de l’Indien dans la publicité
Travestissement et indianisme
Les évolutions récentes de la représentation de l’Indien

Ma visite s’est faite sans audio-guide (on ne m’en a pas proposé, et j’avoue préférer sans). Dès l’entrée, il est précisé que le terme « Indien » est volontairement utilisé dans les textes de l’exposition comme un terme générique pour désigner « cet être semi-imaginaire, fruit d’un quiproquo », à la fois caricature et fantasme. Suivant cette même idée, la visite s’ouvre sur une question posée au spectateur (« Et pour vous, l’Indien d’Amérique ? ») et trois vitrines qui présentent, grâce à un jeu de fenêtres, plusieurs images illustrant des caractères stéréotypés attribués aux Amérindiens.

Vitrines ludiques "Et pour vous l'Indien d'Amérique ? Anthropophage ? Etrange ? 
Doux ? Naïf ? Civilisable ? Ivrogne ? Cruel ? Farouche ? …"


Vue générale au musée du Nouveau Monde.


Les deux autres salles du musée du Nouveau Monde donnent un avant-goût modeste du reste du parcours. Bien que réduite, leur taille est bien exploitée par le choix des objets (essentiellement des gravures, des dessins, quelques tableaux et plusieurs ouvrages ethnologiques). La musique des Indes Galantes, opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau diffusé en continu sur tablette, retentit dans tout l’espace d’exposition : une autre façon de se situer historiquement, quitte à avoir l’impression trompeuse que tout ce qui est présenté dans cette première partie appartient à la même période (l’ensemble couvre en réalité trois siècles). L’inaccessibilité physique de cette première partie (au dernier étage sans ascenseur) aux visiteurs en situation de handicap moteur est malheureusement à noter.

C’est au musée des Beaux-Arts que l’exposition se déploie véritablement. Bien plus spacieuses qu’au musée du Nouveau Monde, ces trois autres salles reprennent les mêmes codes que dans la partie précédente. En plus d’être agréable à l’œil, la scénographie laisse respirer les œuvres et apporte au visiteur la juste dose de texte. La médiation est une médiation muséale classique, avec un parcours fléché, des cartels sobres (petites plaquettes donnant des informations sur les œuvres), des panneaux qui développent en plusieurs paragraphes aérés les thématiques de chaque section. La monotonie visuelle de ces derniers est rompue par l’incrustation de certains dessins et petits tableaux qui viennent soutenir les propos avancés.



Vues générales au musée des Beaux-Arts.


La toute première section est consacrée au roman de Chateaubriand, Atala, ou les amours de deux sauvages dans le désert, et à la figure de ses deux héros, Atala et Chactas. Sujet récurrent de la peinture, de la sculpture et des arts décoratifs, le roman développe une morale chrétienne appuyée. Pourtant, nulle part ne sont expliquées les grandes lignes narratives : l’exposition ne dit pas qui sont Atala et Chactas, ni ce qui leur arrive. Une revue illustrée et présentée en vitrine murale semble donner toute l’histoire, mais le texte qu'elle contient reste hors de portée. Si certains objets donnent des indices par les illustrations et les commentaires qu’ils portent, cela ne suffit pas à réellement comprendre les enjeux autour de ces personnages. Il manque le point de départ, alors que le panneau consacré au contexte d’Atala s’adresse au lecteur comme s’il savait d’office de quoi il était question.

Grâce à l’importante contribution de la collection d’Isabelle et Hervé Poulain et à plusieurs autres prêts privés et nationaux, l’exposition se révèle particulièrement généreuse : photographies, assiettes, premières pages de journaux, planches de bande dessinées, affiches, mascottes automobiles, lampes, œuvres contemporaines… Des objets de toute nature, parfois purement décoratifs, diffusant chaque fois une vision de l’Indien qui sert la pensée occidentale. On pourra ainsi, entre autres choses, réfléchir aux stéréotypes que continue d’incarner le « malin et rebelle » Bison Futé. Les artistes contemporains (dont Andy Warhol, Ivan Messac) s’emparent eux de la figure de l’Indien pour son caractère de résistant face à l’oppression.



Vues générales au musée des Beaux-Arts.


« Le Scalp et le calumet » est une exposition qui vaut le déplacement, et permet de (re)prendre pleinement conscience de l’aspect purement chimérique du terme « indien », toujours d’actualité. Notre regard sur les Amérindiens, s’il a changé, n’est pourtant pas plus objectif : bien qu’ayant évoluée vers des considérations jugées plus positives, leur image ne leur appartient toujours pas. D’un abord facile, le sujet s’adresse à tous ; les pièces présentées sont très pertinentes et leur diversité capte l’attention, malgré le manque de dispositifs interactifs et quelques maladresses facilement évitables (comme les cartels autocollants appliqués sur support rouge, et leurs bulles d’air peu esthétiques pouvant rendre la lecture difficile, en particulier pour des visiteurs malvoyants). Il est encore temps de découvrir l’exposition : pourquoi pas ce dimanche, en compagnie d'une médiatrice ?

Peintures, sculptures, dessins, photos, publicités et même jouets : les fantasmes occidentaux sur les Amérindiens s'exposent dans les musées de la Rochelle ! Et certains sont toujours d'actualité...


Jusqu'au 23 octobre 2017.

Dimanche 1er octobre, 15h00 : parcours en famille (à partir de 7 ans) avec une médiatrice (réservation au 05 46 41 46 50).

Dimanche 22 octobre, 15h00 : visite avec la conservatrice des musées d'art et d'histoire, Annick Notter (réservation au 05 46 41 46 50).

Billet groupé pour les deux musées : 9€
Entrée gratuite pour les moins de 18 ans, étudiants, RMistes et chômeurs, et pour tous le premier dimanche du mois.

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