Se laisser surprendre par la création locale : les paniers Kilti-Metz

Pas le temps, pas l’argent, pas l’idée de faire un peu de place à la culture dans son quotidien ? Une solution : le panier culturel (ou l’épuisette, c’est selon), remède à la morosité et instrument de découvertes. Parmi les exemples du genre se trouve Kilti, un réseau associatif en plein développement en France (mais pas que !). Alors qu’à Metz, le premier panier est encore disponible à la pré-commande jusqu’au 20 février, Anne Voreux, coordinatrice du projet, raconte à Tohu bohu l’arrivée de Kilti en Lorraine.

© Kilti

"Le principe de Kilti, commun à tous les paniers culturels, s’inspire des AMAP*, qui distribuent des paniers de fruits et légumes. Nous, à la place, on propose des biens culturels : dans notre panier, on va retrouver des œuvres d’art, des places de spectacles, de la musique… Comme pour les AMAP, l’idée, c’est de faire du local : on travaille avec des artistes du territoire, des lieux culturels situés à Metz ou aux alentours, et on soutient directement la création autour de chez nous. Kilti a été créé à Lille il y a trois ans, avant de se développer à Bruxelles puis Paris (le projet dans la capitale est actuellement en pause). Aujourd’hui, on est également présents à Strasbourg, Metz donc, bientôt en Martinique et à Montpellier. Après, des paniers culturels existent dans une dizaine de villes en France sous d’autres formes. C’est un concept assez nouveau, qui n’a commencé à vraiment se développer il y a seulement 4 ou 5 ans. En ce qui concerne Kilti, chaque association locale est une structure juridique propre, indépendante. J’ai donc créé une association à Metz, Particule, pour travailler en partenariat avec la structure lilloise qui chapeaute l'ensemble des activités, et ça fait deux mois que je suis à fond sur le projet, trois si on prend en compte le temps de créer l’association.
J’ai moi-même découvert Kilti à Lille, ça fait presque un an. Je me suis renseignée sur le projet, ce qu’était un panier culturel, où il y en avait, et j’ai vu que ça n’existait pas à Metz. J’ai trouvé ça vraiment dommage, d’autant que la vie culturelle à Metz est en plein développement. Alors j’ai attendu l’opportunité de le faire. Ca fait de nombreux mois que j’ai cette idée en tête, et là je me suis lancée en me disant : « Allez, j’y vais ! ». Dans l’association, on est près de 8 personnes, mais au quotidien c’est vraiment moi qui coordonne tout le projet messin.

Maintenant que le premier panier s’apprête à être distribué, je me sens stressée, mais d’une façon très positive ! J’ai hâte de voir ce que ça va donner, de le présenter à des « vraies gens » et de ne plus simplement en parler sur internet. Ce qui est bien dans le fait qu’on travaille tous avec les associations des autres villes, c’est qu’on échange beaucoup. Moi, j’ai toujours mille questions, surtout quand je démarre un projet, et là on peut se conseiller les uns les autres, discuter, s’inspirer de ce qui se passe ailleurs. C’est vraiment agréable : on n’est pas bloqué dans un schéma de fonctionnement, on a beaucoup de liberté

À Metz, notre équipe, c’est une bande d’amis proches aux profils assez variés. Certains sont en première année de master Arts et Culture à l’Université de Lorraine, comme je l’étais il y a trois ans. Il y a aussi une de mes anciennes camarades de promo, un danseur de salsa, mais aussi des gens qui n’ont jamais travaillé dans le milieu culturel : un des membres est dans le domaine de la sécurité au travail, une autre dans l’évaluation des politiques publiques, un autre est étudiant en psychologie… On a tous à peu près le même âge, 25 ans. Mon rôle concerne tout ce qui est administratif : je me suis dans un premier temps chargée de la création de l’association, la mise en place des statuts, les recherches de subventions, l’établissement des conventions pour les partenariats. Je fais aussi le lien entre la structure lilloise et notre antenne : j’assure tous les échanges entre les deux, notamment sur la façon de communiquer sur le projet. D’ailleurs, je m’occupe des réseaux sociaux et du site internet avec l’aide d’une des membres de l’association. Je dois enfin trouver des partenaires, des artistes, des lieux culturels qui voudraient travailler avec nous. Plus généralement, il faut parler de Kilti, trouver du public. Ca fait beaucoup de mails et de rendez-vous quotidiens depuis que j’ai commencé ! C’est très positif car la plupart des gens se montrent très intéressés par le projet.


Exemple de contenu d'un panier culturel  © Kilti

Kilti prend la forme d’un panier par trimestre, distribué début octobre, début janvier, début mars et début juin. À Metz, le premier panier sera celui de début mars, à acheter sur le site internet. Chaque fois, les ventes sont ouvertes jusqu’au 20 du mois précédent : ce premier panier est donc en vente jusqu’au 20 février. Il sera constitué d’un sac sérigraphié suivant le thème de ce trimestre par le Poney Print Club. J’ai travaillé avec une jeune diplômée des Beaux-arts, Alice Monvaillier  qui réalisera de son côté une affiche sérigraphiée, ainsi que Romain Laurent du projet musical folk et blues Shake the Disease qui nous propose un album exclusif enregistré dans une église messine. L'association de médiation culturelle MedioArtis animera une visite théâtralisée de Metz ; on trouvera aussi dans le panier des places de spectacles à l’Espace Bernard-Marie Koltès/Théâtre du Saulcy dont le choix reste libre, et il y aura peut-être des spectacles ou des concerts à la BAM ou aux Trinitaires. Enfin, les acheteurs auront droit à une visite guidée du tiers-lieu TCRM-Blida, plutôt fermé au public le reste de l’année. 

Deux formules existent, une petite à 25 € et une grande à 49€. C’est une donnée commune à toutes les associations Kilti. Pour des gens qui n’ont pas l’habitude, le panier peut représenter une dépense importante, mais elle est à mon sens complètement justifiée : 25€, c’est l’équivalent de deux sorties cinéma, et pour un budget culturel varié sur tout un trimestre ce n’est pas grand chose. Nous avons aussi l’impératif de payer les artistes et les structures partenaires : en l’occurence, 70 à 75% du prix du panier leur est reversé. Le reste sert au fonctionnement de l’association et l’organisation de la soirée de distribution.

Une fois le panier commandé, on reçoit toutes les informations concernant la soirée de distribution (quand, où) lors de laquelle on pourra le récupérer. L’intérêt, c’est que les artistes qui ont participé sont présents :  il peut y avoir plusieurs animations, une exposition, un concert… C’est une soirée festive pour que les gens viennent chercher leur panier et à cette occasion rencontrent les artistes et choisissent leurs places pour les sorties culturelles (il y a toujours le choix entre différents partenaires). Elle s’adresse d’abord aux gens qui ont commandé leur panier, mais si certains sont attirés par la lumière et rentrent par curiosité, ils sont évidemment bienvenus. En général, les ventes sont closes en amont pour des questions d’organisation, afin que l’on établisse le nombre de paniers à préparer, mais comme il peut y avoir des retardataires ou des gens qui découvrent le concept sur le moment, on prévoit quelques paniers supplémentaires. Et si certains viennent simplement pour regarder, sans acheter, c’est aussi une bonne chose puisque ça fait plus de public pour les artistes qui se produisent et qui exposent.

En exclusivité, le visuel du panier "Au-delà du réel",
distribué en mars ! © Kilti

Jusqu’à présent, les artistes et les structures culturelles qui ont entendu parler de l’arrivée de Kilti à Metz sont venus directement vers nous. Chaque panier est thématique : celui de mars s’intitule « Au-delà du réel ». Certains artistes nous ont écrit pour nous dire qu’ils souhaitaient participer, j’en ai aussi repéré d’autres sur les marchés artistiques et artisanaux, notamment ceux de Noël : la sélection qui se trouve dans le panier suit la thématique et mêle contacts spontanés et repérages en amont. Les thèmes sont communs à toutes les associations Kilti, mais on en discute chaque fois entre nous, on s’assure que chaque équipe a des idées de partenaires qui y correspondent, et si un jour on est bloqué avec un thème ou qu’il y a un super événement à Metz auquel on veut faire référence, on peut décider de suivre un thème différent, juste pour un trimestre. L’idée d’avoir un thème commun nous permet aussi de communiquer de façon homogène au niveau national. 

Pour faire connaître le projet, l’équipe a beaucoup utilisé le bouche-à-oreille, mais aussi les réseaux sociaux, et un peu le mailing. On développera plus la communication pour le prochain panier, car en réalité, je ne suis à temps plein sur le projet que depuis deux semaines (j’avais jusque là un autre emploi assez prenant à côté). Pour le moment, je travaille entièrement bénévolement, l’association n’étant pas encore économiquement viable. J’ai quitté mon poste au festival Passages et je vais chercher une activité complémentaire, avec l’objectif quand même à terme de réussir à vivre du travail que j’effectue pour Kilti.

Nos paniers ne ciblent pas de tranche d’âge particulière. On attend deux types de publics : d’abord celui qui a déjà l’habitude de sortir, de voir des spectacles, des expositions. Celui-ci est intéressant pour nous, car notre but va être de le surprendre, de lui montrer des choses qui existent à Metz et qu’il ne connaît peut-être pas ou vers lesquelles il ne va pas spontanément. Par exemple, les gens qui ont l’habitude d’aller à des concerts électro, on va les emmener voir de l’opéra ou du théâtre. Ce public est le plus facile à attirer puisqu’il est déjà dans une démarche de recherche culturelle quotidienne. Un autre type de public va être celui qui sort moins, voire pas du tout, ou qui s’intéresse peu à l’agenda culturel. On peut lui proposer un peu de tout, en partant de l’idée qu’il n’a pas d’a priori. Je vois Kilti comme un outil pour la médiation culturelle. Certes, on fait office d’autorité en choisissant le contenu, donc en décidant que telle chose est intéressante par rapport à d’autres. Mais le projet devient un outil de médiation quand on en fait la promotion auprès de certains publics : on a tout un champ d’action dans lequel on démarche des groupes. Ce peut être des collectivités, des associations, des écoles… Selon les envies, on peut ensuite décider de constituer le sac ensemble, et les spectacles choisis peuvent être directement liés à un de leurs projets. Dans tous les cas, le concept derrière Kilti, c’est la découverte, dire aux gens : « peu importe vos habitudes, vous allez découvrir quelque chose de nouveau, alors faites-nous confiance ! »". 


*AMAP : Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne ou de Proximité qui réunit un ou plusieurs producteurs paysans et des consommateurs. Dans ce cadre, le ou les producteurs mettent à disposition des consommateurs des produits frais, regroupés en paniers distribués à fréquence régulière. Le prix du panier reflète un principe d’équité entre les partenaires et un soutien de la part des consommateurs vis-à-vis de la production locale.



Vous êtes un artiste, une association, une structure culturelle à Metz ou en Lorraine et vous voulez participer à un panier ?

"Il vous suffit d’envoyer un mail à metz@kilti.org :  on pourra ensuite se rencontrer et échanger sur votre proposition. En général, quand j’explique que dans le panier, il peut y avoir de tout, tant que ça tient dans le sac et dans notre budget, cela surprend ! Les possibilités sont vastes, et c’est aussi ça qui rend le projet si intéressant".



Ce serait tellement bien d'avoir régulièrement des surprises culturelles, préparées dans un sac à l'illustration exclusive et distribuées lors d'une soirée conviviale et festive... Eh bien c'est exactement ce que fait Kilti - Metz, du réseau associatif initié par Kilti - Lille ! Pour le lancement du premier panier en Lorraine, Tohu bohu a interviewé Anne Voreux, coordinatrice du projet local.


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